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Quel est l’impact actuel des gros navires de fret sur l’environnement ?

De nombreux chiffres circulent sur les réseaux. Les vingts plus grands navires pollueraient plus que toutes les voitures de la planète. Qu’en est-il exactement ? De quelle pollution parle-t-on ? Sur quoi a-t-elle un impact ?

Le fret maritime est polluant

Porte Conteneur

Les cargos et porte-conteneurs utilisent l’un des carburants les plus sales au monde, un résidu visqueux du pétrole, lourd et difficile à brûler. Ce pétrole « bunker » est ce qui reste une fois que les autres produits pétroliers – essence, naphta ou encore diesel – plus légers, ont été raffinés. Seul l’asphalte utilisé pour les routes est plus épais. On y trouve des résidus de métal, de la cendre, et surtout beaucoup de soufre. Le carburant rejette ainsi beaucoup de NOx et SOx (oxydes d’azote et oxydes de soufre). « Importants polluants de l’air, ils accélèrent la formation de particules fines et ultra-fines », explique l’association écologiste France Nature Environnement. Longtemps utilisé par l’industrie, notamment pour faire tourner des centrales électriques, le pétrole bunker a été progressivement cantonné au transport maritime en raison des pluies acides qu’il provoquait. A ce niveau de 0,1 %, un porte-conteneurs produirait autant d’oxydes de soufre qu’un million de voitures environ. Ces calculs, partagés entre autres par France Nature Environnement, ne sont que des estimations, mais ils donnent un ordre d’idée qui permet d’assurer que, s’il génère une pollution considérable, un cargo de fret ne représente pas l’équivalent de l’intégralité du parc automobile français, ce dernier étant évalué à 32 millions de véhicules particuliers. En revanche, la pollution d’un seul cargo équivaut à environ 50 millions de voitures dans les cas où la teneur en soufre est encore de 3,5 %, une pollution tolérée dans des zones de plus en plus limitées et amenées à disparaître d’ici deux ans. En effet, en 2016, l’Organisation maritime internationale (OMI), une entité des Nations unies, a adopté une résolution pour réduire la teneur maximale en soufre à 0,5 % à partir de 2020 au niveau mondial.

Mais il émet moins de CO2 que la route.

Un transport à la fois écolo et dangereux pour la santé. Ces chiffres contrebalancent un fait acquis : le transport maritime est de loin le moins impactant pour la planète. Il utilise moins de 10 grammes de CO2 pour transporter une tonne de marchandise sur un kilomètre (contre 18 g pour le rail, 47 g pour la route et 560 g pour le fret aérien). Mais ce qui est vrai pour le CO2 l’est moins pour le soufre. Pourquoi ? « Contrairement aux véhicules terrestres, dont le carburant est très réglementé, les cargos utilisent un fioul lourd, un résidu de raffinerie bien moins cher que le diesel », explique Benoît Hartmann, porte-parole de FNE. Ce carburant émet des particules fines dangereuses pour la santé. « Elles viennent se fixer dans les poumons, ce qui augmente le risque de développer des maladies pulmonaires, cardiaques et des cancers. » Cette pollution serait responsable de 60 000 décès par an dans le monde.

Par ailleurs, même si la pollution atmosphérique est un point essentiel des enjeux écologiques actuels, il existe d’autres pollutions dont on parle moins, mais qui ont des impacts tout aussi important sur la faune.

Eaux de ballast

Eaux de ballast

Les rejets d'eaux de ballast par les navires peuvent avoir un impact négatif sur le milieu marin. Les navires de croisière, les grands pétroliers et les vraquiers utilisent une énorme quantité d'eaux de ballast, celles-ci sont souvent captées dans les eaux côtières d'une région après le rejet des eaux usées ou le déchargement de la cargaison par les navires. Les eaux de ballast rejetées contiennent généralement une variété de matières biologiques, notamment des plantes, des animaux, des virus et des bactéries. Ces matériaux comprennent souvent des espèces exotiques non indigènes, nuisibles, envahissantes, qui peuvent causer des dommages écologiques et économiques considérables aux écosystèmes aquatiques, ainsi que de graves problèmes de santé humaine.

Pollution sonore

La pollution sonore causée par le transport maritime et d'autres entreprises humaines a augmenté au cours de ces dernières années. Le bruit produit par les navires peut parcourir de longues distances et ainsi affecter les espèces marines qui dépendent du son pour s'orienter, communiquer et se nourrir. La Convention sur la conservation des espèces migratrices a identifié le bruit des océans comme une menace potentielle pour la vie marine. La perturbation de la capacité des baleines à communiquer les unes avec les autres est une menace extrême et affecte leur capacité à survivre. Selon l'article de Discovery Channel sur "les voyages maritimes dans les profondeurs sonores de l'océan", au cours du dernier siècle, des bruits extrêmement forts provenant des navires de commerce, de l'exploration pétrolière et gazière, des exercices de sonar maritime et d'autres sources ont transformé le délicat habitat acoustique de l'océan, affectant ainsi la capacité des baleines et des autres espèces marines à prospérer et à survivre. Les baleines commencent à réagir à cette situation d'une manière qui met leur vie en danger. Kenneth C. Balcomb, chercheur sur les baleines et ancien officier de la marine américaine, déclare que le jour du 15 mars 2000 est le jour de l’infamie. Lui et son équipe ont découvert des baleines nageant dangereusement près du rivage alors qu'elles sont censées être en eau profonde. Bien que le sonar aide à nous protéger, il détruit la vie marine. Selon Katie Moore, directrice du programme de sauvetage des animaux d'IFAW, les sons peuvent affecter les animaux de différentes manières. Il existe également un niveau de bruit ambiant sous-jacent qui ne cesse d´augmenter et qui interfère avec la communication des baleines et leurs schémas de déplacement. Ce type de sons plus aigus cause des impacts traumatiques, qui provoquent des dommages physiques ou une très forte réaction comportementale chez les baleines.

Transport maritime : quelles alternatives à termes ?

Des alternatives existent à ce fioul lourd. La plus simple à mettre en œuvre est le GNL (Gaz naturel liquéfié), nettement moins polluant (presque aucune émission de soufre et de particules fines, et génère 30% de gaz carbonique (CO2) de moins que le fioul). L’hydrogène a également un potentiel important, il est la meilleure solution pour décarboner intégralement, à terme, le transport maritime, mais n’est pas encore mature. Autre solution en cours de déploiement : équiper les ports de câbles électriques permettant aux navires, une fois à quai, de cesser de brûler du fioul pour produire de l’électricité (comme une majorité le font encore actuellement). En septembre dernier, avec le dispositif “escales zéro fumée“, Renaud Muselier annonçait ainsi un plan d’investissement de 30 millions d’euros en faveur de l’électrification des navires à quai dans les ports de Marseille, Toulon et Nice.

Cargo du futur

La véritable révolution viendra quand nous pourront créer des cargos auto-suffisants qui pourront recharger leurs batteries au cours de la navigation. Le tout en combinant les énergies solaire et hydraulique (voir éolienne). Cette révolution, c’est l’objectif que Tesla s’est fixé d’atteindre dans ces 5 prochaines années. Rendre les routes et la mer plus propre et plus habitable pour toutes les espèces.

Par Ronald McDonald et Eddy Merx